Rendez-vous avec la Ministre, Rima Abdul-Malak

17 avril 2023

Le Rendez-vous

Le lundi 17 avril 2023, la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak a reçu pendant 1h le collège des étudiant·e·s élu·e·s (un·e élu·e CA ou CPS par école et deux élus CNESERAC1) et l’UNEAP2 afin d’échanger sur la situation des Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage (ENSA). La ministre était accompagnée par des membres de son cabinet3 et de ses services4.

Déroulé de la réunion :

En introduction, la Ministre a eu l’occasion de rappeler l’importance des métiers auxquels nous nous formons et notamment la place de l’architecte dans les enjeux qui sont aux coeurs des débats aujourd'hui tels que la transition écologique, le mieux-vivre ou encore le lien à notre environnement qu’il soit urbain ou non.
Nous avons, en tant que collège, réaffirmé notre mission de porter la voix des étudiant·e·s et notre engagement à améliorer notre formation depuis de longues années (travail sur la santé des étudiants).
A la sollicitation de ENSA en Lutte, nous avons aussi transmis le cahier de doléances, et bien que nous avons indiqué ne pas représenter le collectif, nous avons rappelé notre participation à celui-ci.
Enfin, nous avons rappelé notre soutien aux différentes communautés des écoles (enseignant, chercheur, doctorant, contractuel, ATS, et caetera).
 



Délégation des élu.e.s participant.e.s au RDV

Au cours de cette entrevue, nous avons tenu à rappeler 5 enjeux qui nous semblent prioritaires et centraux pour notre formation : les enjeux écologiques et contemporains, les moyens humains et bâtimentaires, les problèmes persistants de santé étudiante et de bien-être, la lutte contre les Violences et Harcèlements Sexiste et Sexuel et toutes formes de discriminations, et enfin la lutte contre la précarité étudiante.


Les ambitions des écoles face aux enjeux contemporains, et la volonté des étudiant.e.s en architecture à y prendre part et y être formé.e.s (transition écologique, évolution des problématiques urbaines et de logements, évolution des métiers de l'architecture etc ...)

Madame la ministre a acquiescé, qu’elle partageait notre volonté, et nous a répondu qu’elle avait pour ce faire créé le Palmarès Reseda et qu’il était non pas un prix individuel mais un palmarès collectif.5

Au-delà des relents passéistes évoquant le Grand Prix de Rome, ce prix, qu’il eut été individuel ou collectif, ne répond pas à la nécessité urgente d’être formé directement au sein de notre cursus à la transition écologique et aux enjeux contemporains. Nous ne voulons pas créer de nouveaux starchitectes de la transition écologique au travers d’un prix, nous voulons que tous les étudiants soient formés dès la licence, conjointement avec les enseignants, à ces enjeux et que ces derniers doivent être intégrés directement dans les enseignements et dans les maquettes pédagogiques.


Les difficultés actuelles de moyens humains et bâtimentaires des écoles qui les empêchent d'appliquer ces ambitions (personnels administratif surchargé.e.s et en burn-out, difficultés de recrutement, difficultés de fonctionnement des instances, problèmes des chantiers en site occupé, ou lorsque les budgets n'impliquent que des rénovations et pas les coûts d'utilisation etc ...)

Elle rappelle qu’un grand plan de rénovation des différentes écoles est en cours. Marseille va avoir de nouveaux locaux. Et le ministère prend conscience de la nécessité de mieux séquencer les chantiers.

Nous saluons les efforts du ministère malgré sa profonde méconnaissance du terrain au vu du peu d'établissements visités. On peut rajouter que ce plan de rénovation ne résout en rien la vétusté de certaines écoles et le manque criant de place dans la majorité des ENSA.P.
Concernant les moyens humains, pierre angulaire du fonctionnement des écoles, aucune réponse n’a été apportée. Les personnels administratifs sont toujours surchargés et ne peuvent mener à bien toutes leurs missions courantes ce qui les empêche de prendre des initiatives et de mener d’autres projets en même temps.


Les problématiques de VHSS et discriminations systémiques demeurent constantes, avec un sentiment d'impunité pour les agresseurs, causé par des administrations incapables (ou manquant de volonté), qui nécessite des protocoles clairs et des sanctions. Les cas récents inquiètent quant à la réelle volonté des écoles à appliquer les mesures prônées par le ministère.

La ministre abonde sur la tolérance zero6 , et annonce une formation VHSS obligatoire aux personnel.le.s7.

Nous regrettons l’absence d’engagement pour une véritable prise en charge des traitements des VHSS, avec de véritables sanctions, des protocoles clairs et une transparence dans le traitement des cas. Pour l’instant, rien ne nous permet de dire que la tolérance 0 est appliquée dans les écoles. Les difficultés de signalements persisteront tant que ce ne sera pas appliqué.


Les problèmes persistants de santé étudiante (culture de la charrette, rythme des études, accès à la formation pour les personnes en situation de handicap, dangerosité de locaux) qui ne peuvent pas être résolus sans des moyens humains et financiers supplémentaires de la part du Ministère. En rappelant l‘incapacité des services des écoles de se saisir pleinement de ces sujets.

La ministre nous a indiqué8 que sur la culture de la charrette, la plupart des directeurs disent que ça n'existe plus, il ont tous agit là-dessus et tient à souligner le travail important fait, en particulier par sa prédécesseur Roselyne Bachelot. En tout cas, la plupart se sont exprimés en montrant qu'un énorme chemin avait été fait et que tout l'enseignement était organisé de telle sorte que non, que la répartition des charges de travail était bien plus équilibrée.

Nous avons été outrés par le retour fait par les directeur.rice.s, qui est en total décalage avec la réalité du terrain et le ressenti des étudiant.e.s.
Nous tenons aussi à rappeler que le Plan Santé, sorti il y a plus d’un an, est resté sans réponse, qu’aucun moyen humain et financier n’ont été mis en place pour accompagner l’application de ces mesures. Il n’a donc été que très partiellement appliqué, et uniquement par les écoles qui étaient en capacité de le faire sur leurs ressources propres.
Les écoles n’ont de manière générale pas les moyens humains et financiers pour avancer ces sujets qui restent non-traités pendant plusieurs années, alors que les problèmes persistent. Nous évoquons de la détresse, des dépressions, des burn-out, des tentatives de suicides, du renoncement aux soins et/ou à son hygiène personnelle. 3 étudiant.e.s sur 49 en architecture disent ressentir une fatigue plus ou moins extrême, 3 sur 5 souffrent d’anxiété liée à leurs études, 1 sur 5 à des dérèglements de son cycle menstruel. Les actions ne sont pas encore à la hauteur de la détresse des étudiant.e.s.


La précarité étudiante de manière plus vaste, à l'intérieur et en dehors des écoles, comme les questions de coûts induits relatifs aux études (maquette, impression, énergie quand les écoles ferment tôt etc ...) l'accès au soin et à l'alimentation (éloignement des CROUS etc. ) le coût de la vie etc.

La ministre entend qu’il y a une urgence sur tous les frais spécifiques concernant aux études d’architecture et nous a demandé si nous étions au courant que 5000 étudiant.e.s boursier.e.s verraient prochainement leur bourse augmenter de 37€10 par mois, une mesure historique.

Cette augmentation ne concerne qu’un quart des étudiants d’architecture et que pour les bénéficiaires, elle pallie à peine l’inflation. Il n’y a toujours pas d’études ni de réflexions au niveau national concernant le prix par semestre des études d'architecture. Aujourd’hui, dans des écoles, 1 étudiant.e sur 2 a déjà dû choisir entre se nourrir et acheter du matériel, et 1 étudiant.e.s sur 7 a déjà dû voler pour se nourrir.


Pour conclure, en réponse à ces enjeux, nous avons réaffirmé le besoin de moyens financiers et humains à la hauteur, un véritable engagement de la part de la ministre.
Nous saluons les premiers engagements de la ministre mais rappelle que ceux-ci sont largement insuffisants et qu’il est nécessaire de s'engager sur le temps long. Il est indispensable d’ouvrir une discussion et un débat avec les instances des écoles mais aussi et avec tou.te.s les étudiant.e.s et personnel.le.s
Nous constatons un réel décalage entre les connaissances du ministère quant aux problématiques étudiantes et notre vécu ainsi que les témoignages que nous recevons en permanence. Par conséquent il devient nécessaire d’enfin commencer des temps d’échanges entre les étudiant.e.s et la tutelle pour pouvoir porter ensemble ces sujets qui nous affectent au quotidien.

Le Collège des étudiant·e·s élu·e·s reste à la disposition de la ministre et son administration pour participer au groupe de travail et commission pour porter la voix étudiante, afin d'améliorer nos études et de porter et défendre les enjeux actuels !

 

Note de bas de page et référence :

1. Le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Artistique et Culturelle est une instance de dialogue, de débat et de représentation des établissements et des structures de recherche relevant du ministère de la Culture. Quatre élu·e·s étudiant·e·s issu du collège des étudiant·e·s élu·e·s y siègent pour porter la voix étudiante.
2. L'Union Nationale des Étudiants en Architecture et Paysage, représenté par son président
3. Karine Duquesnoy - Directrice adjointe de cabinet, Raphaël Coulhon - Conseiller en charge de l’enseignement supérieur, de l’innovation, du numérique et du jeu vidéo et Antoine-Marie Préaut - Conseiller en charge du patrimoine et de l’architecture
4. Jean-François Hebert - Directeur général des patrimoines et de l'architecture, Noël Corbin - Délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle et Hélène Fernandez - Directrice, adjointe au Directeur général des patrimoines et de l’architecture, chargée de l’architecture
5. Cf Compte-rendu page 7
6. Cf Compte-rendu page 13 7. Cf Lettre de la Ministre page 2
8. Cf Compte-rendu page 13
9. Cf Compte-rendu page 8
10. Cf Lettre de la Ministre page 2

Lettre du collège à la Ministre

Retranscription du rendez-vous avec la Ministre