Lettre ouverte du collège - 2020

12 mai 2020

LETTRE OUVERTE DU COLLÈGE DES ÉTUDIANT.E.S ÉLU.E.S AUX INSTANCES DES ÉCOLES D’ARCHITECTURE ET DE PAYSAGE

À l’attention de
M. Franck Riester, ministre de la Culture,
M. Phillipe Barbat, directeur général des patrimoines,
Mme. Aurélie Cousi, directrice de l’architecture,
Mesdames les diirectrices et messieurs les directeurs des écoles d’architecture et de paysage,
Mesdames les présidentes et messieurs les présidents des conseils d’administration des ENSA.P,
Mesdames les présidentes et messieurs les présidents des conseils pédagogiques et scientifiques des ENSA.P,

 

À l’heure d’une mobilisation sans précédent du corps enseignants et des instances des ENSA.P, le collège des étudiant.e.s élu.e.s aux instances des écoles d’architecture et de paysage se doit aujourd’hui encore de vous transmettre le ressenti qui pèse sur la communauté étudiante.
Les différents acteurs de nos enseignements ont trop souvent présenté nos formations comme trans-disciplinaires, épanouissantes, formatrices et professionnalisantes. Force est de constater les nombreux dysfonctionnements qui en font une réalité toute autre. L’enseignement que nous recevons est en grand décalage avec nos aspirations, bien que nous en soyons les premières et premiers concernés. Par cette lettre, nous souhaitons alerter le ministère de la culture, les directions des ENSA.P et l’ensemble des acteurs de notre filière de la détérioration de nos enseignements et de nos écoles.

 

Ainsi, nous constatons

Au sujet de la condition étudiante :

 

Une absence d’engagement concret du ministère et des ENSA.P en faveur du bien-être et de la santé des étudiants

- Une absence d’un travail de lutte effective en faveur d’une amélioration de la condition étudiante malgré les nombreuses alertes ;
-Une absence de prise de position formelle de la part du collège des directeurs vis-à-vis de la stratégie nationale pour le bien-être et la santé dans les écoles d’architecture, qui leur a été présentée en juin 2019 ;

 

Un contenu pédagogique éloigné des attentes du monde professionnel et des
enjeux contemporains

-Un enseignement qui n’a pas été discuté dans sa globalité, pouvant induire un manque de cohérence de nos maquettes pédagogiques, notamment en premier cycle, ceci ayant des conséquences graves sur la santé des étudiants ;
- Une formation ne nous donnant pas les outils pour faire face à la réalité des professions de l’architecture, induisant une insertion professionnelle difficile ;
- Une absence d’intégration des enjeux contemporains dans nos enseignements, notamment les enjeux sociaux et climatiques, pour être à la hauteur de l’urgence climatique ;
- Une quantité de travail parfois démesurée et trop peu pertinente pour l’accomplissement des projets ;
- Un manque de dialogue entre les différents champs d’enseignement résultant en une carence de transversalité dans notre formation ;

Un accompagnement pédagogique défaillant

-Un manque d’intégration desmises en situation professionnelle dansles calendriers pédagoqgiques, notamment en deuxième cycle ;
- Une absence de formation à la pédagogie de nos enseignants, multipliant les cas de violence pédagogique et plaçant les ENSA.P en retard dans les nouveaux modes d’apprentissage ;
- Un désintérêt de certains enseignants envers le suivi pédagogique, impactant fortement la qualité de notre formation ;
- Une tendance absentéiste de certains enseignants pourtant rémunérés ;
- Une partie de nos enseignants en situation de précarité alarmante, impactant notre formation ;

Une parole étudiante trop peu considérée

- Un mépris général de la parole étudiante dans les ENSA.P, se traduisant notamment par une relégation à l’arrière plan des élus au sein des instances et la perpétuation de gouvernance non démocratique telle que les “bureaux CFVE”. Cette relégation est renforcée par l’absence de formation de ces élues et élus, qui est pourtant une obligation des ENSA.P.

 

Au sujet de la gestion des établissements :

Un clivage entre institutions confortant les dysfonctionnements

- Une volonté d’indépendance exprimée par les écoles, entre elles et vis-à-vis de leurs tutelles, créant des “entre-soi” pouvant laisser libre cours à de nombreux débordement au sein des établissements.
- Une défaillance de la tutelle dans le suivi des ENSA.P, freinant voire empêchant la mise en place d’initiatives prometteuses.
- La non signature par le MESRI de l’accord interministériel concernant la réforme de 2018. 

Une incapacité à définir une vision partagée des ENSA.P

- Une absence de stratégie immobilière de la part du ministère de la culture conduisant à des inégalités d’investissement et un sentiment de déconnexion des besoins réels des ENSA.P.
-Un manque de vision partagée partousles acteurs des ENSA.P quant à l’évolution de l’enseignement au cours du temps et une incapacité à définir une stratégie pour y répondre.
Ces problématiques lourdes et déjà signalées auparavant pèsent sur la condition étudiante. Il s’agit de penser une transformation profonde du fonctionnement de nos écoles.


Nous vous interpellons, enseignants, personnels administratifs, tutelle et vous appelons à vous saisir de vos responsabilités.

 

Ainsi,

Nos attentes envers les ENSA.P

- Nous demandons que le collège des directeurs se positionne au sujet de la stratégie nationale pour le bien-être et la santé dans les écoles d’architecture.
- Nous demandons que tous les acteurs de nos établissements se mettent autour d’une même table afin de revoir conjointement nos maquettes pédagogiques, pour que celles-ci puissent être en phase avec les attentes professionnelles et les enjeux contemporains.
- Nous demandons une coordination renforcée entre les différents enseignements de nos cursus.
- Nous demandons la formation du corps enseignants à la pédagogie.
- Nous demandons aux conseils d’administrations de nos écoles d’engager une réflexion au sujet de la part de service d’enseignement des enseignantes et enseignants afin de clarifier les statuts actuels.
- Nous demandons à nos écoles de respecter les procédures établies dans les articles de loi qui se réfèrent aux écoles d’architecture afin d’éviter l’exclusion de la communauté étudiante des discussions, notamment dans les instances.
- Nous demandons que tout élu étudiant puisse accéder à une formation lui permettant d’assumer et assurer pleinement ses responsabilités de représentativité.
- Nous demandons la rédaction de projets d’établissement, conçus pour et avec les étudiants.
-Nous encourageons les ENSA à se fédérer et à se structurer en réseau d’écoles nationales supérieures d’architecture et de paysage.

Nos attentes envers le ministère de la Culture

- Nous demandons la mise en place d’une direction générale commune à l’enseignement supérieur de la culture. Cette direction permettra notamment d’assurer la tutelle de nos écoles au plus proche de leurs besoins quotidiens, de faire émerger une vision partagée par nos écoles et de mettre en
place une véritable politique de l’enseignement supérieur culturel.
- Nous demandons que le conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturelles (CNESERAC) évalue la pertinence de la formation en architecture.
- Nous demandons l’attribution des moyens nécessaires à la mise en place de la réforme, notamment l’ouverture des postes d’enseignants-chercheurs promis et nécessaires.
- Nous demandons la mise en place d’une stratégie immobilière au sein du Ministère de la Culture afin de gérer les établissements avec cohérence et prospective.

 

Le corps étudiant est considéré comme premier usager des écoles. Nous considérons néanmoins qu’il n’est pas acceptable de subir des formations construites pour nous, sans nous dans des établissements gérés pour nous, sans nous. L’enseignement et la gestion des écoles doivent être pensés de concert avec la communauté étudiante qui se doit de devenir actrice de ses études.
Nous réprouvons les abus administratifs, les débordements pédagogiques, les conditions de travail malsaines, le manque de considération apporté à la communauté étudiante, et nous nous engageons en faveur d’un enseignement construit avec toutes les populations des établissements, un enseignement riche et qualifiant, un enseignement nous préparant pour l’avenir.


Construisons ensemble l’école de demain !

 

Veuillez croire, mesdames, messieurs, en notre détermination à défendre un enseignement en architecture public et de qualité,

Pour le Collège des étudiant.e.s élu.e.s aux instances des écoles d’architecture et de paysage
Max Brouwer
PRÉSIDENT